Christophe Mézange, «Simon le Zélote était-il un révolutionnaire?», Vol. 81 (2000) 489-506
Simon’s surname, Zealot, cannot be understood to carry the meaning of ‘revolutionary against Rome’. A characteristic of the ideology of the Zealot party is the transformation of the sentiment of multi-secular religious zeal of the biblical tradition into a political, anti-Roman doctrine. This transformation in meaning is owed to the influence of, among other things, the Fourth Philosophy, which exerted its influence only in the 50’s AD. Since the elements required for the foundation of the Zealot party did not come together before these years, Simon’s surname, Zealot, can be understood only in the religious sense.
L’allusion à la tradition du zèle est même explicite dans un autre passage:
Ils imitaient toutes les mauvaises actions et répétaient tous les crimes commis autrefois. Pourtant ils se donnèrent ce nom à cause de leur zèle pour le bien, soit par raillerie de ceux qu’ils persécutaient, soit parce qu’ils considéraient les pires crimes comme un bien16.
Derrière le langage accusateur de Josèphe, on perçoit la logique des révolutionnaires Zélotes: l’extermination de la partie corrompue d’Israël permet de sauvegarder l’Alliance avec Dieu, légalise et même rend nécessaire le crime! C’est pourquoi, "pour les brigands [i.e. les Zélotes] c’était peu que les chaînes de ceux qu’ils avaient arrêtés"17; l’emprisonnement ne suffit pas. "Pour les accusations les plus graves comme pour les plus légères, il n’y avait qu’une peine: la mort"18. Ailleurs Josèphe affirme que les Zélotes "se vantaient impudemment de leurs crimes comme s’ils étaient des bienfaiteurs et des sauveurs de la ville"19. Pour ces derniers ceci était en effet presque une évidence; l’assassinat des Juifs infidèles avait une valeur rédemptrice qui allait écarter les punitions divines et du même coup libérer la Ville Sainte de l’occupation romaine. Les Zélotes en 66-70 se posaient donc en héritiers de la qin)a4h, gardienne de l’Alliance entre Dieu et Israël, et leur zèle se manifestait d’abord par l’assassinat de certains de leurs compatriotes.
La seule occupation romaine et l’interprétation de certains passages des Écritures pouvait dès le début du Ier s. permettre la prise de conscience par des groupes nationalistes d’une possible libération de la Terre Promise par le biais du zèle, mais penchons nous sur l’identité des victimes des Zélotes qui déclenche leur zèle. Celles-ci en 66-70 sont principalement des notables20. Or, traditionnellement le zèle intervenait pour châtier l’idolâtrie. Il est sans aucun fondement d’en déduire que les milliers de notables juifs assassinés étaient des idolâtres. On sait seulement qu’une partie de l’aristocratie juive était plus accueillante ou plus tolérante à l’égard du pouvoir des dirigeants romains que les autres classes sociales. On entrevoit là une première mutation du zèle religieux traditionnel, qu’il nous faudra expliquer et dater, car elle est à l’origine de la naissance du zélotisme révolutionnaire.