Patrick Fabien, «La conversion de Simon le magicien (Ac 8,4-25)», Vol. 91 (2010) 210-240
The episode of Simon the magician is found in a transitional section and inaugurates a series of conversions between chapters 8 and 11. When the missionaries leave Jerusalem, they encounter new obstacles. This article focuses on Simon’s conversion: is he truly converted? As magic is very powerful and can clothe any religious system reducing it to its own vision, based on the magician’s power, the reader wonders till the end of the story. On the one hand, Philip and Simon as well as Peter and Simon are depicted in a mimetic parallelism; on the other hand, Peter denounces the magician and condemns him by ruining his reputation. At the end of the story, Simon is a deflated matamore left alone with himself. Will he change his magic vision and behaviour? No one knows but himself.
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LA SIMON
CONVERSION DE LE MAGICIEN
2. L’exclusion de Simon
Luc s’inscrit parfaitement dans la mouvance de son temps par sa
prise de position contre Simon. Les termes de condamnation,
“ destruction â€, “exclusionâ€, correspondent au sort réservé aux magi-
ciens et “méchancetéâ€, “iniquité†qualifient leur nature. Luc adopte
une stratégie de communication basée sur la rhétorique 62 pour
montrer l’exclusion de Simon. On peut penser qu’ici Luc construit
son récit en se basant sur la logique formelle d’Aristote en faisant
appel au principe de contradiction 63 selon lequel “le contraire du
vrai est faux 64 â€. Ce principe sera mis en Å“uvre dans son récit sous
forme d’un raisonnement qui rappelle le syllogisme.
Les séquences des vv. 4-8 et 9-11 se développent sur le mode
narratif et non sur le mode d’un raisonnement déductif. Prise séparé-
ment, chaque unité est indépendante, mais quand elles sont alignées,
s’opère un véritable raisonnement à la manière d’un syllogisme. Les
vv. 4-8 se présentent comme une première proposition ou prémisse qui
s’oppose à celle de Simon (vv. 9-11). Tous les missionnaires annoncent
le Christ (v. 5), c’est-à -dire un autre qui est au-dessus d’eux. Or, Simon
le magicien s’annonce lui-même (v. 9-11). Donc il n’est pas un authen-
tique missionnaire. Il est nécessairement exclu puisqu’il n’entre pas
dans la catégorie énoncée par la majeure (vv. 12-13). À la fin de l’épi-
sode, la victoire du missionnaire est totale. On y arrive non par une
argumentation au premier degré, mais par une juxtaposition de deux
séquences narratives qui s’opposent et aboutissent à une conclusion
logique. Nous pouvons donc admirer la finesse de Luc et comprendre
la raison de l’analepse. Grâce à l’analepse qui renverse l’ordre chrono-
logique du récit, Luc incorpore Philippe dans la prémisse majeure d’où
découle la mineure qui déclasse Simon et l’élimine.
Le même schéma syllogistique se répète aux vv. 14-24. Tous les
missionnaires reconnaissent que l’Esprit se manifeste comme un
don gratuit (vv. 14-17) ; or, Simon veut se l’approprier en offrant de
l’argent (vv. 18-19). Donc, il n’est pas un authentique missionnaire.
M. BARATIN, “Quintilienâ€, Dictionnaire de l’Antiquité (ed. J. LECLANT)
62
(Paris 2005) 1860.
“ Il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne pas
63
en même temps au même sujet et sous le même rapport†(ARISTOTE Méta-
physique III, 1005b, 9).
A . LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie (Paris
64
1985) 457.