David Hamidovi´c, «La remarque énigmatique d’Ac 5,4 dans la légende
d’Ananias et Saphira», Vol. 86 (2005) 407-415
Derrière la légende d’Ananias et Saphira en Ac 5,1-11, le détail des reproches
adressés par Pierre au couple est peu clair. La traduction du verset 4 résiste à
l’entendement. On propose de comprendre le verset 4aa comme le rappel à
Ananias de la conservation de l’usufruit sur son domaine, après la cession aux
apôtres. Le verset 4ab serait, quant à lui, le rappel qu’Ananias a effectué le don de
plein gré, d’où l’absurdité de la dissimulation d’une partie de la vente du domaine.
La comparaison avec la communauté de biens décrite dans les écrits esséniens et
qumrâniens soutient la possibilité de la conservation d’un usufruit sur le domaine
cédé à la communauté.
408 David Hamidovi´
c
occidental remplace to; pra'gma tou'to par poihsai ponhrovn. Mais le texte ne
'
fait pas sens (3).
A la lecture du début du verset 4, les deux premières propositions peuvent
sembler redondantes (4): oujci; mevnon soi; e[menen kai; praqe;n ejn th/' sh/' ejxousiva/
uphrcen. Selon Ac 5,2, Ananias, de connivence avec sa femme, n’a déposé
J'
qu’une partie du prix de la vente de son domaine foncier aux pieds des apôtres
en gage de cession de son bien à la communauté. Mais en Ac 4,32, il est
spécifié que tout (a{panta) bien doit être mis en commun. L’autre partie du
prix de la vente est détournée au profit du couple. Le verbe utilisé pour
énoncer cette idée en Ac 5,2.3, nosfivzw, n’indique pas une simple
dissimulation d’une partie du prix de vente, il signifie un véritable détourne-
ment de fonds (5). Dans les deux versets, la préposition ajpov suivant le verbe
nosfivzw peut signifier à la fois la provenance, auquel cas, le détournement
qualifie tout le montant du domaine: ajpo; th'" timh'" tou' cwrivou indiquerait le
détournement «(à partir) du montant du domaine»; et la séparation d’une
partie d’un tout, auquel cas, le détournement porte sur «(une partie) du
montant du domaine». Dans la première hypothèse de traduction, l’auteur
généralise le détournement à toute la vente, afin de montrer que la faute
d’Ananias et Saphira a corrompu, en quelque sorte, l’ensemble de la vente,
non seulement le montant dissimulé, mais aussi la somme donnée aux
apôtres. Dans la seconde hypothèse de traduction, choisie par la majorité des
exégètes, seule la partie du montant de la vente non-versée à la communauté
relève du détournement de fonds. En ce sens, les deux propositions d’Ac 5,4a
sont des gloses de confirmation du méfait du couple. Le début du verset 4
peut faire penser à un interrogatoire où l’enquêteur, ici sous les traits de
Pierre, essaie d’obtenir confirmation des faits délictueux. Ainsi, au début du
verset, oujciv n’est pas une simple négation, il s’agit d’un adverbe, donc Ã
traduire comme tel, qualifiant les deux propositions du verset 4a.
Un autre problème de compréhension concerne le sujet de mevnon, «(ce qui
est) restant», au verset 4aa, et celui de praqevn, «(ce qui a été) vendu», au
verset 4ab. Le sujet logique s’accordant avec le participe présent actif au
neutre singulier, mevnon, et le participe aoriste passif au neutre singulier,
praqevn, est le dernier nom commun au neutre singulier précédant les deux
participes. Il s’agit de cwrivon, le «domaine», dernier mot du verset 3. La
(3) La question d’une source textuelle à la légende d’Ananias et Saphira reste posée:
l’histoire rappellerait Jos 7,1-26 avec Achan, cf. E. HAENCHEN, The Acts of the Apostles. A
Commentary (Oxford 1971) 239. Mais les deux récits comportent beaucoup de différences.
D. MARGUERAT, «La mort d’Ananias et Saphira (Ac 5.1-11)», NTS 39 (1993) 220, admet
que le récit a une source, sauf pour le verset 4. Avec HAENCHEN, The Acts, 241, les versets
7 à 11 sur le sort de Saphira seraient une extension du récit dit initial. G. SCHNEIDER, Die
Apostelgeschichte (HTKNT 5/1; Freiburg 1980) I, 371 et R. PESCH, Die Apostelgeschichte
(EKKNT 5/1; Zurich-Einsiedeln – Neukirchen 1986) I, 196, se prononcent contre cette
idée.
(4) Cf. l’avis de P.B. BROWN, The Meaning and Function of Acts 5:1-11 in the purpose
of Luke-Acts (Boston 1969) 97-102.
(5) D.P. SECCOMBE, Possessions and the Poor in Luke-Acts (SNTU B,6; Linz 1982)
212, comprend nosfivzw comme une donation anticipée, en ce sens, le verbe signifierait la
diminution d’un bien déjà aliéné: «The story only makes sense if the couple had previously
declared their intention to donate the land to the community.» Mais il n’y a pas d’appui
textuel pour confirmer cette hypothèse.