Jacqueline Assaël, «Mettre en oeuvre la foi, selon l’Épître de Jacques», Vol. 90 (2009) 506-529
In the Letter of James the faithful are called upon to become “poets of the lovgou”, that is to say to pass from just hearing the divine word to putting it into action. But this expression does not insist upon the need to make the faith concretely real. It enters into relation with a vocabulary that evokes the energy which must inspire both the words and the actions or the contemplation of human beings and it above all alludes metaphorically, by reference to Greek literary art, to the aesthetic, in fact spiritual, dimension that Christian conduct must take on in order truly to realize itself as such.
Mettre en œuvre la foi, selon l’Épître de Jacques
Étant donné que dans la pensée chrétienne l’action du Créateur peut
être représentée par la puissance du Lovgo", dans l’Épître de Jacques la
réflexion théologique vise à établir comment saisir cette Parole divine,
puis comment s’y conformer, comment mettre le discours et le
comportement humains en adéquation avec elle, pour lui correspondre,
la suggérer, la transmettre ou la glorifier. La parénèse recherche aussi,
à sa manière, une méthode permettant de s’accorder avec le Lovgo" de
Dieu et de s’en faire l’écho et l’annonciateur, en indiquant notamment
la nécessité de contrôler les moyens d’expression dont disposent les
humains ou les rapports qui doivent se développer entre toute
confession de la foi et sa “mise en Å“uvreâ€. De ces préoccupations
découle, en dernier lieu, un enseignement d’ordre ecclésiologique
définissant les caractéristiques du chant et des manifestations de la
parole appropriées aux formes du culte et de la liturgie. La question des
modalités de la célébration divine donne donc une unité à l’Épître de
Jacques, car elle y est traitée tout du long sous ses divers aspects (1).
À tous ces égards, la particularité de ce texte consiste à donner
délibérément une formulation, sinon une dimension esthétique à cette
problématique. En effet, dans cet écrit, les fidèles sont appelés à se
faire les “poètes du Lovgo"†(2). Or, en grec, le mot poihthv" désigne un
personnage composant selon les règles d’un processus d’expression
littéraire inspiré. Mais, dans cette épître, ce terme est rapidement mis
en relation avec un vocabulaire souvent rapporté à des réalisations très
concrètes. C’est pourquoi les poètes, artistes, chantres de la Parole, ont
été identifiés à des artisans, des “facteurs†accomplissant effectivement
le contenu du Lovgo". Ainsi, au moment de la Réforme, notamment, la
formule a été interprétée comme le nœud d’une controverse opposant
le sentiment d’une gratuité totale de la foi à l’idée d’une nécessaire
(1) L. SIMON, “Pourquoi aimer l’épître de Jacquesâ€, FV 42 (2003) 88, a eu une
bonne intuition en identifiant les “paroles†comme le sujet central de cette lettre:
“Debarim, voilà en fait le mot qui résume toute l’épîtreâ€. Cependant le texte est
écrit en grec, non pas en hébreu, et ce fait n’est pas indifférent. Sans négliger les
rapports qui s’imposent avec la pensée juive, il faudra donc tenir compte de la
signification propre et des connotations particulières que prennent les expressions
telles qu’elles sont formulées dans la langue du Nouveau Testament.
(2) Jc 1,22.