Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
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commun avec celles, mondaines et historiques, qui l’ont précédée (cf.
2,15-16), mais de l’autre, les deux composantes de l’union — celle
d’origine juive et celle d’origine païenne — conservent certaines de
leurs caractéristiques anciennes: les e[qnh restent e[qnh (29). Cet état de
fait ne signifie pas seulement que les différences culturelles et sociales
de chaque peuple sont compatibles avec l’Évangile, autrement dit avec
l’être-en-Église, mais aussi que l’Évangile ne s’identifie pas aux codes
(culturels et sociaux) des groupes composant l’humanité, qu’il est bien
plutôt ce qui doit purifier, voire fondamentalement convertir chaque
code, autrement dit chaque culture et société. Cela veut encore dire que
l’Évangile peut être vécu en des cultures et des sociétés diverses, et
surtout, que l’Église doit manifester ce qu’est la véritable unité, celle
qui ne se fait pas par absorption de l’une des deux composantes ou
par extinction de la diversité des appartenances raciale, culturelle et
sociale.
La permanence des dénominations Israël/Nations, juifs/non juifs
va également de pair avec la non reprise de l’expression «peuple de
Dieu» pour désigner l’Église, comme cela a déjà été signalé plus haut.
Les métaphores utilisées pour exprimer le mystère en Ep 3,6 sont
d’ailleurs instructives, autant par ce qu’elles énoncent que par ce
qu’elles taisent (30).
Certains exégètes disent d’ailleurs un peu (trop) vite qu’Ep passe
sous silence les promesses faites aux Israélites (31); 2,12 dit en effet
explicitement que c’est à eux — même si ce ne fut pas seulement pour
eux — que les promesses furent faites, et en affirmant que les Nations
sont devenues sugklhronovma, suvsswma et summevtoca th'"
ejpaggeliva", 3,6 entend bien indiquer l’identité ou le statut qui est
(29) Voir Ep 3,1. Même si Ep ne formule pas la réciproque (car la lettre
s’adresse aux e[qnh), sa logique ecclésiologique autorise qu’on ajoute: et les
ioudaioi restent ce qu’ils étaient, ijoudai'oi. Comme les caractéristiques qui restent
j '
celles des ijoudai'oi ne sont pas mentionnées, il est difficile de savoir si ces
derniers continuaient d’observer strictement toutes les prescriptions de la Loi, en
particulier ce qu’il est désormais convenu d’appeler les markers d’identité; on
peut au moins penser que les règles de séparation (pour les repas, en particulier
celui du Seigneur) avaient cessé d’être en vigueur, sinon l’auteur d’Ep parlerait-
il comme le fait d’un tout nouveau mode de relation et d’unité?
(30) Manque la référence au peuple, car, pour l’auteur d’Ep, cette appellation
est trop historique et mondaine. En effet, c’est comme Nations, et non comme
nouveaux membres du peuple d’Israël (ou sujets de la Loi) qu’elles sont
cohéritières, coparticipantes et membres du même corps ecclésial.
(31) Voir l’article déjà cité de HECKEL, «Kirche und Gottesvolk», 190-191,
représentatif des interprètes récents des antilegomena.