Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens 465
amplitude la manière dont Ep voit les Écritures, disons seulement que
le nombre limité des citations scripturaires vient de ce que l’insistance
y est mise sur le musthvrion, autrement dit sur la nouveauté des
situations et des catégories les exprimant (27). Or, la nouveauté vient
principalement de la relation qu’entretiennent, au sein de l’Église, les
chrétiens issus du judaïsme et de la gentilité, relation qu’il faut
maintenant étudier de plus près.
3. Israël et le judaïsme comme référents internes à l’Église
Ep ne parle de relations entre circoncis et incirconcis — ou entre
Israël et les Nations — que pour opposer une situation passée
d’exclusion (pour les Gentils) à une situation actuelle de réconcilia-
tion, de paix et d’unité. La relation au monde juif n’est donc pas
ignorée d’Ep, mais elle reste interne au groupe ecclésial, comme
relation entre chrétiens d’origine juive et païenne, ainsi que Heckel l’a
noté: «Der Brief blickt nur noch auf Christen und deren Einheit
untereinander, er spitzt dabei auch die Israelfrage zu auf eine
innerchristliche Problematik» (28). Il ne faut pas oublier que c’est cette
union, réalisée de manière inouïe, et portant pour cette raison le nom
de création, qui constitue l’élément caractéristique essentiel du
musthrion pour Ep, et qui souligne le rôle nouveau que l’Église s’est
v
alors reconnu: non seulement celui d’annoncer le musthvrion à tous,
mais aussi celui d’être elle-même incluse dans sa révélation. En
annonçant le mystère, l’Église annonce ce qui la constitue fonda-
mentalement: elle fait désormais partie du message, et c’est en prenant
connaissance de ce qu’elle est, que le monde pourra reconnaître les
voies de Dieu. Les enjeux sont évidemment de taille, et l’auteur d’Ep
a sans aucun doute perçu que ce que l’Église vivait, comme unité
diversifiée, comme union de juifs et de non juifs, etc., était un
témoignage essentiel à l’Évangile.
L’union entre croyants d’origine juive et païenne est paradoxale,
puisque d’un côté ils ne forment qu’une seule entité, n’ayant rien en
(27) Sur l’importance du musthvrion et la nouveauté des catégories choisies
pour l’exprimer, voir ALETTI, Éphésiens, 182-184 (excursus sur le musthvrion,
dont je me permets de souligner l’importance heuristique) et 189-190. Que le
musthrion porte avec lui la nouveauté, n’implique pas un abandon des Écritures,
v
seulement leur relecture marquée par cette nouveauté.
(28) HECKEL, «Kirche und Gottesvolk», 192 (je souligne). Il s’empresse
d’ajouter que, pour évaluer les positions de l’auteur d’Ep, il ne faut pas oublier
cet aspect.