Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
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Loi (18) donc. Or, rien ne leur est demandé à cet égard: il n’est dit ni
qu’ils se sont fait circoncire (ou doivent l’être), ni que leur politeuma
est la Loi: la manière dont l’auteur de la lettre s’adresse à eux, en les
appelant e[qnh indique bien qu’ils ne sont ni circoncis ni sujets de la
Loi (2,11; 3,1). Les «saints» dont parle Ep 2,19 ne sont pas des
israélites (et pas davantage tous les israélites ou tous les juifs), mais
des chrétiens, vraisemblablement ceux issus du judaïsme (19). Qu’il
s’agisse de chrétiens d’origine juive n’implique pas, répétons-le, que le
politeuma commun aux judéo- et ethnico-chrétiens soit la constitution
juive, la loi mosaïque, car les v.14-18 ont dit que les uns et les autres
sont devenus une humanité nouvelle et que la Loi a été détruite. Ce
qu’avec le substantif sumpoli'tai le verset veut indiquer, c’est que les
chrétiens non circoncis ont désormais une véritable identité qu’ils
partagent pleinement avec les chrétiens circoncis. De ce que la politeia
des chrétiens n’est pas celle d’Israël, on peut certes conclure avec
raison que l’Église n’en est pas un substitut (20), mais aussi que les
manques des païens énumérés en Ep 2,11-12 n’ont pas été comblés en
rapport à ce peuple. Cela peut signifier que l’auteur d’Ep considère les
privilèges d’Israël comme imparfaits ou provisoires, mais il ne le dit
pas explicitement; une seule chose est clairement dite: la suppression
des manques s’est faite de manière autre et inouïe, puisqu’elle est
appelée création (2,15).
Outre Ep 2,19, où le présent des ethnico-chrétiens n’est pas mis en
relation à Israël, 2,1-5a fournit un argument supplémentaire en faveur
de la non continuité: si, jusqu’à l’événement pascal, l’histoire de tous
les hommes, juifs ou non, fut celle des péchés (2,1-3.5a), comment les
chrétiens auraient-ils pu recevoir quelque chose de positif de
l’humanité ancienne, même juive (21)? Bref, avec le passé des Gentils
comme avec celui des juifs (voire d’Israël), l’Église est en disconti-
nuité fondamentale, car elle a tout reçu avec le Christ, comme tête
(1,22), et l’Esprit, comme arrhes des bénédictions futures (1,14).
Un autre argument peut encore être trouvé en Ep 2,14-15, où il est
dit que le Christ a détruit la Loi, facteur de haine entre juifs et païens.
(18) Écrit avec une majuscule, le mot désignera désormais invariablement le
système mosaïque.
(19) Pour l’état de la question, voir, entre autres, ALETTI, Éphésiens, 158-160.
(20) Voir sur le sujet les observations de PENNA, Efesini, 148.
(21) Ep 2 ne suit pas des passages comme Ga 1, où l’apôtre parle de son passé
juif comme celui d’un pharisien à la conduite exemplaire, mais se rattache plutôt
à Rm 5,12-19 et 7,7-25, où la situation d’Adam et de son lignage est désespérée.