Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
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entre Ep 2,12 et 19, la formule du v.19 équivaut à celle du v.12, et
entend signifier que les croyants issus de la gentilité sont devenus juifs,
membres du peuple d’Israël, la nation sainte (Ex 19,6) (17). Pareille
exégèse implique évidemment que les Gentils ont été purement et
simplement incorporés dans le peuple d’Israël. Mais le contexte
interdit que l’adjectif «saints» désigne tous les israélites, car le v.19 est
en décalage par rapport au v.12: si les ethnico-chrétiens avaient
désormais la politeia d’Israël, ils devraient obéir à ses institutions, à la
(17) Ainsi J.J. MEUZELAAR, Der Leib des Messias. Eine exegetische Studie
über den Gedanken vom Leib Christi in den Paulusbriefen (Assen 1961) 63-64;
M. BARTH, Ephesians (AB; New York 1974) 269-270.
Les autres interprétations n’intéressant pas directement la problématique qui
nous occupe ici, nous les mentionnons sans les discuter dans le détail, mais
uniquement pour mettre en évidence le caractère amphibologique de l’expression
«concitoyens des saints» en Ep 2,19: (1) Paul désignerait ainsi l’intégration des
Gentils à la communauté chrétienne d’origine juive, qui forme désormais l’Israël
de Dieu (R. PENNA, Lettera agli Efesini. Introduzione, versione, commento [SOC
10; Bologna 1988] 148), (2) ou à l’assemblée angélique céleste, car en adhérant Ã
l’Évangile, en étant donc ressuscités avec le Christ et assis avec lui dans les cieux
(Ep 2,5-6), les croyants convertis du paganisme feraient désormais partie de la
patrie céleste et auraient la citoyenneté des anges (H. SCHLIER, Der Brief an die
Epheser. Ein Kommentar [Düsseldorf 71971] 140–141; F.-J. STEINMETZ, Protolo-
gische Heilszuversicht. Die Strukturen des soteriologischen und christologischen
Denkens im Kolosser- und Epheserbrief [Frankfurt am M. 1969] 48; J. GNILKA,
Der Epheserbrief [HTKNT X,2; Freiburg – Basel – Wien, 1971] 154; A.
LINDEMANN, Die Aufhebung der Zeit. Geschichtsverständnis und Eschatologie im
Epheserbrief [SNT 12; Göttingen 1975] 183; A.T. LINCOLN, Ephesians, [WBC
42; Dallas, TX 1990] 151). S’il est vrai que l’adjectif «saints» désigne les anges
en certains écrits juifs de l’époque, depuis le début d’Ep le même adjectif a
désigné les chrétiens, et il en sera de même dans le reste de la lettre; si donc, sans
fournir d’indice clair, Paul désigne ici les anges, il court le risque de voir le mot
interprété à partir de ses précédentes occurrences. Comme il n’y a aucun indice
autorisant à changer de référent, le lecteur doit comprendre qu’il s’agit des
chrétiens, déclarés maintenant saints, parce que sanctifiés par l’agir du Christ
décrit aux v.14-18. (3) le vocable «saints» désignerait tous les membres de
l’Église, ceux que Paul a appelés ainsi depuis le début de sa lettre (Ep
1,1.4.15.18); exégèse qui est la plus suivie (voir, entre autres, K.T. ABBOTT, A
Critical and Exegetical Commentary on the Epistles to the Ephesians and to the
Colossians [ICC; Edinburgh 1897; 1946] 69; F. MUSSNER, Christus, das All und
die Kirche im Epheserbrief [TrThSt 5; Trier 1955] 105-106; J. PFAMMATTER, Die
Kirche als Bau. Eine exegetisch-theologiesch Studie zur Ekklesiologie der
Paulusbriefen [AnGr 110; Roma 1960] 76-77; F. GAUGLER, Der Epheserbrief [AS
6; Zürich 1966] 120; H. MERKLEIN, Das kirchliche Amt nach dem Epheserbrief
[SANT 33; München 1973] 132; R.P. MEYER, Kirche und Mission im
Epheserbrief [KBW; Stuttgart 1977] 141; O’Brien, Ephesians, 211).