Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens 461
circoncis et des circoncis, mais en soulignant, grâce à deux vocables
formant une reversio,
ejn sarkiv
a
oiJ legovmenoi
b
th'" legomevnh"
b
ejn sarkiv
a
(1) que la différence entre les deux groupes se situe dans la chair,
(2) que c’est le langage, avec toute sa force métonymique (13), qui a
fixé ces différences charnelles, (3) que ce sont ceux appelés «circonci-
sion» qui nomment les autres «prépuce» et donnent à l’appellation un
sens pejorative (14). Partant d’une différence apparemment superfi-
cielle, mais durablement inscrite dans la chair, l’auteur de la lettre
passe immédiatement aux implications religieuses fondamentales.
C’est par rapport aux privilèges religieux des juifs, et pas seulement Ã
partir de ce qu’ils disent des Gentils, qu’Ep va énumérer ce que fut le
handicap religieux de ceux qui étaient auparavant païens.
Cela dit, il est étonnant de voir que les bienfaits obtenus par les
ethnico-chrétiens en Ep 2,19-22 ne correspondent pas exactement aux
manques attribués aux non circoncis en Ep 2,12 (15). En effet, il ne faut
pas oublier que la fin de la péricope (2,19-22) ne décrit pas le
changement d’identité des chrétiens issus de la gentilité comme une
entrée dans la politeiva d’Israël mais dans celle des saints (16). Selon
plusieurs commentateurs, qui s’appuient sur le parallélisme existant
(13) La métonymie consiste à passer sémantiquement (1) pour l’ajkrobustiva,
de l’objet (le prépuce) au statut (être incirconcis) puis au groupe (les incirconcis),
avec une connotation religieuse (les païens, adonnés à l’idolâtrie) et aussi socio-
politique (les Nations), (2) pour la peritomhv, de l’opération (couper le prépuce),
au résultat (être circoncis), et de là au groupe (les circoncis, la circoncision), avec
une connotation religieuse (les juifs, adorateurs du vrai Dieu) et socio-politique
(Israël).
(14) En Ep 2,11, le participe passif legovmenoi n’est pas théologique et le
deuxième, legomevnh" est délibérément amphibologique. Pour une démonstration,
voir ALETTI, Éphésiens, 141.
(15) L’observation rejoint celle de HECKEL, «Kirche und Gottesvolk», 190 et
191, qui relève les glissements et les asymétries qui vont d’Ep 2,11-12 à 2,19-22;
aux v.11-12, il manque aux Gentils de n’être pas d’Israël, et l’on attendrait que le
passage déclare le manque comblé par une intégration ou une substitution; or, tel
n’est pas le cas.
(16) Sur la politeia et sur les changements possibles de politeia à l’époque,
voir S.J.D. COHEN, The Beginnings of Jewishness. Boundaries, Varieties,
Uncertainties (Berkeley – Los Angeles – London 1999) 125-127.