Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
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que l’image de l’Église-corps vient des homologoumena, plus
précisément de 1 Co 12, il faut immédiatement ajouter qu’en Ep (11) la
tête n’est plus un membre du corps parmi d’autres, mais désigne le
seul Christ ressuscité, de qui le corps ecclésial reçoit vie et croissance.
L’image doit en effet être comprise correctement, car pour les corps
physiques, la tête, essentielle à leur existence, ne saurait vivre sans les
membres qui sont eux aussi essentiels à la survie de l’ensemble. En
nommant le Christ tête, Col et Ep n’entendent certainement pas dire
qu’il fait partie du corps qu’est l’Église, mais souligner l’impossibilité
dans laquelle l’Église est d’être séparée du Christ: comment le corps
privé de sa tête pourrait-il vivre, a fortiori grandir et s’orienter? À n’en
pas douter, le rapport tête/corps vise à souligner l’union étroite et
infrangible du Christ et de l’Église et, indirectement, la nature
eschatologique de cette dernière.
2. Une continuité avec Israël et le judaïsme en Ep?
Avant de vérifier qu’il y a un lien entre la manière dont Ep voit la
nature eschatologique de l’Église et la relation des chrétiens à Israël et
au judaïsme, il importe de se demander si la lettre établit une
quelconque continuité entre l’Église et Israël ou entre l’Église et le
judaïsme, et, le cas échéant, de déterminer la nature de leur relation.
La plupart des commentateurs pensent que la thématique d’Israël est
absente (ou presque) de la lettre et que rien n’y est dit sur le lien de
l’Église au peuple de Dieu (12). Un simple relevé des vocables semble
leur donner raison: ∆Israhl n’apparaît qu’une fois, en Ep 2,12; quant
v
à Ioudai'o", on ne l’y trouvera pas. Mais cette constatation ne suffit pas,
car tout au long d’Ep 2,11-22 on peut repérer des allusions voilées Ã
Israël. Si l’on considère Ep 2,11-12, on doit admettre que la situation
d’Israël y est décrite de façon ambiguë: le v.11 donne à penser que les
dénominations sont superficielles et seulement physiques, et le v.12
qu’elles sont profondes et religieuses, car Israël croyait au vrai Dieu,
avait reçu les alliances de la promesse, et espérait des biens véritables.
Effectivement, le v.11 oppose la situation respective des non
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Christ. La remarque vaut pour Ep 1,20-23. Ce n’est donc pas à partir de la
chronologie qu’il faut interpréter les énoncés sotériologiques d’Ep, mais du rôle
spécifique attribué à chacun des agents de l’œuvre salvifique.
(11) La remarque vaut évidemment pour Col (voir 1,18.24; 2,19; 3,15).
(12) Voir le dernier essai en date, celui de HECKEL, «Kirche und Gottesvolk»,
191.