Jean-Noël Aletti, «Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens. De quelques suggestions», Vol. 85 (2004) 457-474
This article is an attempt to show that the ecclesiology of Ephesians does not deviate from that of the Proto-Pauline letters but is altogether compatible with it.
Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Éphésiens.
De quelques suggestions
La question du modèle de l’ecclésiologie des homologoumena a été
affrontée dans un précédent article sur lequel les réflexions qui suivent
s’appuieront et qu’elles supposeront connu (1). On peut en résumer les
résultats succinctement, et de manière négative: les homologoumena
ne font pas du concept de «peuple de Dieu» un Oberbegriff (2), et
même on ne saurait trouver en ces lettres un quelconque Oberbegriff
ecclésiologique. Force nous est de constater qu’il n’en est pas de
même dans les antilegomena, où dominent les métaphores de la tête et
du corps pour désigner respectivement le Christ et l’Église.
Bien des commentaires qualifient la lettre aux Éphésiens
(désormais Ep) d’exhortation à l’unité ecclésiale (3), voire de traité
d’ecclésiologie. Si l’insistance ecclésiologique est manifeste, elle n’est
cependant pas sans soulever quelques difficultés. La plus connue se
trouve en Ep 5,22-33, où la métaphore corporelle est appliquée à la
relation entre les époux chrétiens. Il semble en effet impossible
d’établir une homologie entre les deux plans, de dire que l’épouse
(chrétienne) est le corps de son mari, de la même façon que l’Église
est le corps du Christ: en quoi l’épouse le serait-elle, si elle et son mari
ont chacun leur propre corps, s’ils sont en outre l’un et l’autre
membres du même corps ecclésial et si, comme tels, ils n’ont qu’une
seule et même tête, le Christ (4)? Une autre difficulté, plus radicale
(1) J.-N. ALETTI, «Le statut de l’Église dans les lettres pauliniennes.
Réflexions sur quelques paradoxes», Bib 83 (2002) 153-174.
(2) Expression empruntée à W. KRAUS, Das Volk Gottes. Zur Grundlegung
der Ekklesiologie bei Paulus (WUNT 85; Tübingen 1996).
(3) H. von Soden parlait de «dithyrambe sur l’unité», formulation dont j’ai eu
connaissance grâce à T.K. HECKEL, «Kirche und Gottesvolk im Epheserbrief»,
Kirche und Volk Gottes. FS Jürgen Roloff (éd. M. KARRER – W. KRAUS – O.
MERK) (Neukirchener 2000) 176-194 (p. 190).
(4) Noter également qu’à aucun moment Ep 5,22-33 n’appelle le Christ et
l’Église respectivement époux et épouse, alors que les v. 25-27 renvoient
manifestement à un tel arrière-fond. Pour les multiples difficultés soulevées par
Ep 5,22-33, je me permets de renvoyer à mon commentaire, Saint Paul épître aux
Éphésiens (Études bibliques 42; Paris 2001) 276-277 (exégèse d’Ep 5,23). La
discussion relative à la pertinence des métaphores se trouve aux p. 278-293.