Jean-Noël Aletti, «Le statut de l’Église dans les lettres pauliniennes. Réflexions sur quelques paradoxes», Vol. 83 (2002) 153-174
This article examines the generally admitted idea that the initial ecclesiological model of the Protopauline letters would be that of ‘People of God’, a model that would have been gradually modified by the apostle. A careful study of the two passages wherein the phrase occurs (2 Cor 6,16-18 and Rom 9,25-26) shows that such an idea must be criticized and even abandoned.
Sans nous prononcer ici sur la pertinence de la reconstitution qui vient d’être sommairement décrite, nous nous interrogerons seulement sur la première étape5, celle des protopauliniennes — que l’on nommera de préférence homologoumena —, en essayant de mettre en évidence le ou les modèles à partir (duquel ou) desquels Paul décrit l’Église, afin de voir s’il en est un plus englobant et les raisons qui l’ont fait préférer à d’autres. Chemin faisant, nous serons amenés à nous situer par rapport à des positions jusqu’à présent considérées comme fermes par la critique.
I. Les énigmes du vocabulaire ecclésiologique paulinien
1. L’Église, peuple de Dieu?
Pour décrire l’Église, les homologoumena utilisent plusieurs métaphores, appartenant à différents champs sémantiques: sw=ma du Christ (1 Co 12,12-27), gew/rgion, oi)kodomh/ (1 Co 3,9), lao/j (2 Co 6,16b; Rm 9,25-26) et nao/j de Dieu (1 Co 3,16-17; 2 Co 6,16a). Ces métaphores n’étant guère plus fréquentes les unes que les autres, il est difficile, au seul vu de leurs occurrences, d’en conclure que l’une d’entre elles est plus fondamentale ou décrit de manière plus décisive le groupe chrétien. Si les exégètes donnent plus d’importance à l’attribution lao_j tou= qeou=, c’est parce que l’Église fut obligée de se situer d’abord à l’intérieur du judaïsme, et ensuite par rapport à lui, lorsque les liens se firent plus lâches.
Il est en effet probable que les disciples de Jésus se sont très tôt — voire depuis le commencement — posé la question de leur rôle et de leur place à l’intérieur d’Israël, et que, comme groupe juif ayant cru en son Messie, ils ne se sont pas seulement compris comme une partie du peuple de Dieu, "mais comme sa plénitude en germe et le représentant