Jean-Noël Aletti, «Le statut de l’Église dans les lettres pauliniennes. Réflexions sur quelques paradoxes», Vol. 83 (2002) 153-174
This article examines the generally admitted idea that the initial ecclesiological model of the Protopauline letters would be that of ‘People of God’, a model that would have been gradually modified by the apostle. A careful study of the two passages wherein the phrase occurs (2 Cor 6,16-18 and Rom 9,25-26) shows that such an idea must be criticized and even abandoned.
c) Abraham, père de nombreux peuples
Tous les passages où il est question de la paternité d’Abraham nous forcent encore à la circonspection. Chaque fois en effet que l’apôtre mentionne la promesse de paternité faite à Abraham, il cite textuellement Gn 17,4-5: pate/ra pollw=n e)qnw=n te/qeika/ se. En ce verset, Dieu ne dit pas au patriarche qu’il sera le père d’un (seul) grand peuple, mais de nombreuses nations. Le pluriel est au demeurant souligné par Paul, qui répète deux fois la phrase divine en Rm 4,17-18, et ajoute avec Gn 15,5: ou#twj e!stai to_ spe/rma sou. L’apôtre voit donc dans le fait que de nombreuses Nations deviendront spe/rma d’Abraham un projet divin originel, et s’il cite ce verset de la Genèse plutôt que d’autres, comme Gn 18,18; 22,18; 26,4; 28,14; Si 44,19-21, où les Nations seront bénies dans/par la descendance du patriarche — autrement dit, dans ou par ce qui deviendra le peuple d’Israël —, c’est pour insister sur la situation paradoxale qu’a provoquée la promesse24. Précisons notre pensée: sans nier a priori que la thématique du "peuple de Dieu" soit sous-jacente à plusieurs passages des homologoumena, on peut se demander si Paul n’a pas évité d’appliquer à l’Église l’appellatif "peuple" (lao/j) à cause même de la situation des non Juifs, qui restent les Nations et ne seront jamais le lao/j d’Israël; Paul a en effet saisi que c’est dans la diversité des nations et des cultures, planté et enraciné en chaque civilisation, que l’Évangile doit être vécu. Que les Nations n’aient pas à devenir le peuple d’Israël n’interdit certes pas qu’elles puissent être appelées à faire partie du spe/rma Abraam ou du "peuple de Dieu"25, mais à supposer même que la thématique du peuple soit ici ou là sous-jacente, Paul n’a retenu et souligné que les traits familiaux.